"Le dilemme d'Hémon "
Le roi Créon, père d’Hémon, vient de condamner Antigone à mort. Hémon, son promis, est au désespoir. Il est en proie à un dilemme: d’un côté l’amour se refuse à lui, de l’autre, un père qui lui rappelle ses obligations royales. Le duel Hémon contre Créon s’engage.
HÉMON, entre en criant. – Père !
CRÉON court à lui, l’embrasse. – Oublie – la, Hémon ; oublie – la, mon petit.
HÉMON – Tu es fou, père. Lâche – moi.
CRÉON le tient plus fort – J’ai tout essayé pour la sauver, Hémon. J’ai tout essayé, je te le jure. Elle ne t’aime pas. Elle aurait pu vivre. Elle a préféré sa folie et la mort.
HÉMON crie, tentant de s’arracher à son étreinte. -Mais, père, tu vois bien qu’ils l’emmènent ! Père, ne laisse pas ces hommes l’emmener !
CRÉON – Elle a parlé maintenant. Tout Thèbes sait ce qu’elle a fait. Je suis obligé de la faire mourir.
HÉMON s’arrache de ses bras. -Lâche-moi !
Un silence. Ils sont en face de l’autre. Ils se regardent.
LE CHOEUR, s’approche. – Est-ce qu’on ne peut pas imaginer quelque chose, dire qu’elle est folle, l’enfermer ?
CRÉON – Ils diront que ce n’est pas vrai. Que je la sauve parce qu’elle allait être la femme de mon fils. Je ne peux pas.
LE CHOEUR – Est-ce qu’on ne peut pas gagner du temps, la faire fuir demain ?
CRÉON- La foule sait déjà, elle hurle autour du palais. Je ne peux pas.
HÉMON . -Père, je suis ton fils, tu ne peux pas me la laisser prendre.
CRÉON – Si, Hémon. Si mon petit. Du courage. Antigone ne peut plus vivre. Antigone nous a quittés tous.
HÉMON. – Crois-tu que je pourrai vivre, moi, sans elle ? Crois-tu que je l’accepterai, votre vie ? Et tous les jours, depuis le matin jusqu’au soir, sans elle. Et votre agitation, votre bavardage, votre vide, sans elle.
CRÉON – Il faudra bien que tu acceptes, Hémon. Chacun de nous a un jour, plus ou moins triste, plus ou moins lointain, où il doit enfin accepter d’être un homme. Pour toi, c’est aujourd’hui… Et te voilà devant moi avec ces larmes au bord de tes yeux et ton coeur qui te fait mal – mon petit garçon, pour la dernière fois…Quand tu te seras détourné, quand tu auras franchi ce seuil tout à l’heure, ce sera fini.
Jean Anouilh, Antigone, Éditions de la Table Ronde, 1946
Aide sur les registres littéraires :
Réalisez les questions de compréhension sur le texte :